Yves Cimbaro (Anasup) : « L’apprentissage dans l’enseignement supérieur doit entrer dans une phase de maturité ».
Sandrine Chesnel | Publié le 21.01.2014 à 10H48, mis à jour le 21.01.2014 à 12H24
L’apprentissage au-delà du niveau bac a des spécificités qu’il faut défendre : tel est l’objectif d’Anasup, la nouvelle association nationale pour l’apprentissage dans l’enseignement supérieur. Directeur de FormaSup Ain-Rhône-Loire, Yves Cimbaro en est, depuis fin septembre 2013, le premier président. S’il se réjouit de voir l’apprentissage progresser, il s’inquiète aussi de la pérennité du financement des formations, alors que la réforme de la taxe d’apprentissage doit être présentée, dans le cadre du projet de loi sur la formation professionnelle, en conseil des ministres le 22 janvier 2014.
Quelles sont les motivations qui ont présidé à la création de l’Anasup ?
Nous avions déjà l’habitude de nous réunir régulièrement entre responsables de CFA de l’enseignement supérieur pour échanger de façon informelle et mutualiser nos pratiques. L’apprentissage dans l’enseignement supérieur n’obéit pas tout à fait aux mêmes « règles » que dans les autres niveaux d’enseignement. C’est pour défendre nos spécificités, faire entendre nos voix et nous rendre plus visibles qu’il nous a semblé important de nous fédérer.
Quelles sont ces spécificités de l’apprentissage dans le supérieur ?
Pour commencer, on peut souligner celles liées aux établissements qui le mettent en oeuvre : au-delà de bac+2, ce sont des universités et des grandes écoles, et non des lycées ou des CFA « classiques ».
Ensuite, certaines règles imposées par le code du travail sont plus adaptées aux bas niveaux de qualification, comme celle qui prévoit 400 heures de face-à-face pédagogique par an. À notre avis, à l’heure des MOOC et des cours à distance, c’est une règle à assouplir pour les établissements du supérieur qui font de l’apprentissage.
Pourquoi l’Anasup n’est-elle pas ouverte aux établissements, privés ou non, qui proposent des BTS en apprentissage ?
Il n’y a pas, dans notre esprit, de dichotomie entre le privé et le public. En revanche, notre association est ouverte aux établissements d’enseignement supérieur qui proposent des formations adossées à de la recherche.
Aujourd’hui, c’est le supérieur qui entraîne l’apprentissage
L’apprentissage dans le supérieur s’est déjà considérablement développé depuis 20 ans. Faut-il aller plus loin ?
C’est pour cette raison qu’il nous semblait nécessaire de nous associer. L’apprentissage dans le supérieur a plus de 20 ans, 20 ans qui correspondent à une phase pionnière pendant laquelle nos établissements se sont engagés avec passion, affichant une croissance annuelle des effectifs de plus de 10 %. Cela nous satisfait puisque, aujourd’hui, c’est le supérieur qui entraîne l’apprentissage. Mais la partie est loin d’être gagnée. Il faut maintenant franchir le pallier de la maturité et obtenir les conditions qui nous permettront d’assurer la stabilité de nos dispositifs, sur les plans financier et institutionnel.
Ainsi nous sommes très inquiets face à la réduction des aides aux employeurs d’apprentis prévue dans le PLF (projet de loi de finances) 2014 : suppression du crédit d’impôt pour les entreprises qui embauchent des jeunes préparant un diplôme supérieur à bac+2, recentrage de la prime à l’embauche sur les sociétés de moins de 11 salariés. Nous n’avons pas encore ressenti les effets de ces décisions sur le placement de nos jeunes, avec une croissance forte en cette rentrée 2013 comme aux rentrées précédentes. Mais nous sommes plus inquiets pour la rentrée 2014. C’est ce que nous avons expliqué au ministère quand nous avons été reçus début octobre.
Que pensez-vous de l’objectif du ministère de l’Enseignement supérieur de multiplier par deux le nombre d’apprentis du supérieur d’ici à 2017 ?
C’est un objectif qui nous semble difficile à atteindre faute de financements suffisants. Le premier problème est lié aux disparités de financement entre les régions, qui n’ont pas toutes les mêmes moyens ni la même volonté d’investir dans l’enseignement supérieur.
Le second problème est lié au modèle de dotation de nos établissements. S’il est changé, il va falloir trouver d’autres sources de financement qui ne sont pas identifiées par la réforme en cours.
Quelles sont vos propositions ?
Restaurer la fongibilité, c’est-à-dire le transfert des OPCA (organismes paritaires collecteurs agréés) en direction de l’apprentissage, ce qui aurait le mérite d’augmenter les transferts de fonds vers les CFA sans augmenter la contribution des entreprises. Il est aussi essentiel que l’augmentation du quota, à hauteur de 57 millions d’euros, soit concrétisée pour 2015.
Une association pour défendre l’apprentissage dans l’enseignement supérieur L’Anasup regroupe aujourd’hui 29 CFA de l’enseignement supérieur et 191 composantes d’universités ou grandes écoles, soit 30.000 apprentis dans 1.330 formations différentes du DUT au diplôme d’ingénieur. Parmi eux, 51% préparent un diplôme de niveau 1, 32 % un diplôme de niveau 2 et 16 % un diplôme de niveau 3. Or, si l’apprentissage s’est développé dans l’enseignement supérieur ces dernières années, les jeunes et leurs parents n’en ont pas toujours conscience, comme l’a montré une récente enquête de la CCI Paris Ile-de-France.