Lyon, le 22 octobre 2013
Propositions à Madame Geneviève Fioraso
Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche
S’APPUYER SUR L’APPRENTISSAGE DANS L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR POUR DEVELOPPER L’APPRENTISSAGE POUR TOUS, A TOUS LES NIVEAUX
La réforme de la formation professionnelle et de l’alternance doit déboucher sur un projet de loi fin 2013 ou début 2014, la concertation sur l’alternance qui a lieu actuellement vise des objectifs très ambitieux. C’est dans ce contexte que seront situés les objectifs de développement de l’alternance.
L’Association Nationale Pour l’Apprentissage dans l’enseignement SUPérieur, ANASUP, fédère un réseau de 29 CFA de l’enseignement supérieur qui représentent près de 1300 formations du DUT au Master et au diplôme d’ingénieur et qui accueillent chaque année sur l’ensemble du territoire 30.000 apprentis, en lien avec 17.000 entreprises.
Riche d’une expérience de plus de vingt ans dans la mise en place et l’essor de formations par apprentissage, en adéquation avec les besoins des entreprises et les politiques régionales, ANASUP a la volonté d’être une force de propositions auprès des acteurs favorisant le rapprochement des formations supérieures et des besoins économiques.
L’apprentissage dans l’enseignement supérieur prend toute sa place dans le cadre de la concertation conduite actuellement et doit contribuer à atteindre les objectifs fixés pour l’ensemble de l’apprentissage et pour l’enseignement supérieur en particulier. L’apprentissage dans l’enseignement supérieur a fait ses preuves. Il arrive aujourd’hui à maturité. Il s’agit maintenant de le consolider et de le développer sur la base de toutes les expériences qui ont réussies.
Cependant, des obstacles subsistent. Pour les lever les propositions d’ANASUP sont les suivantes :
Concernant les entreprises Reconnaître l’action des entreprises en matière de formation, par le maintien de l’indemnité compensatrice forfaitaire (ICF) ou par un crédit d’impôt, pour toutes les structures d’accueil d’apprentis ; Mettre en place un statut de maître d’apprentissage et un référentiel de compétences associé (formation, reconnaissance des qualifications dans la transmission des compétences et des savoir-faire…).
Rendre obligatoire la mise en œuvre des normes WAI d’accessibilité des déficients visuels afin d’améliorer significativement le niveau d’implémentation des standards du W3C dans les logiciels d’entreprise, notamment dans le domaine de la gestion.
Effets attendus : Incitation forte pour les entreprises qui n’ont pas encore d’apprentis, elles sont nombreuses, notamment les TPE et PME… Reconnaître un statut aux maîtres d’apprentissage qui permettrait de construire un socle de compétences de base et une reconnaissance du travail de transmission et de management fait par les maîtres d’apprentissage. A ce jour, cette démarche est rare.
o Augmentation de la capacité qualitative et quantitative des entreprises à encadrer les alternants.
o Augmentation de la perméabilité entre le monde économique et le monde de l’éducation.
o Accélérer la transmission des compétences et des savoir-faire entre générations. Permettre l’accès à des parcours en apprentissage et à des métiers actuellement fermés pour les travailleurs handicapés déficient visuels, aveugles et handicaps associés : métiers de la comptabilité, de la gestion, de la finance notamment.
Concernant les apprentis et leurs familles, tous niveaux confondus S’assurer que, dans toutes les régions, les apprentis du supérieur bénéficient de conditions aussi favorables que les étudiants pour l’aide au transport et à l’hébergement, en particulier maintenir l’APL pour un logement intermittent (temps en entreprise ou temps à l’université). Assurer un maillage de tout le territoire en matière d’offre de formation en alternance.
En effet, à côté du modèle académique, le modèle pédagogique de l’alternance enrichit l’offre de formation. Il permet aux jeunes de s’orienter vers une autre manière d’apprendre qui se rapproche de la réalité des situations professionnelles. Renforcer le rôle des organismes labellisés pour l’information des jeunes, notamment dans le cadre du service public de l’orientation. Développer l’information auprès de ces organismes pour s’assurer qu’ils délivrent une information juste et non dévalorisée de l’apprentissage.
Effets attendus : Améliorer les conditions de vie et d’études des apprentis, notamment en matière de logement (difficultés à trouver un logement accessible financièrement, nécessité parfois d’avoir deux logements) et de mobilité. Développer l’autonomie financière des jeunes apprentis et les moyens dont ils disposent dès le tout début de la formation, durant la période d’essai, phase critique pour le jeune et leur permettre de se consacrer à leur formation alternée et non à la résolution de problèmes administratifs et financiers induits par leur nouveau statut. Ces actions représentent un levier important de réduction des inégalités dans l’accès au statut d’apprenti. Accroître les moyens d’information des candidats à une formation dans l’enseignement supérieur et de leurs familles sur des possibilités de formation par la voie de l’alternance et renforcer la promotion de l’apprentissage. Si des progrès ont été accomplis, force est de constater la persistante d’une forte méconnaissance de l’apprentissage dans le supérieur par les jeunes et leurs familles. Celle-ci conduit à restreindre le champ des parcours de formation identifiés et à le réserver aux familles les mieux informées. Améliorer tout particulièrement l’information à l’intention des organisations (associations, organismes publics…) accompagnant les personnes en situation de handicap sur les dispositifs d’adaptation des parcours et des conditions d’examen selon leurs compétences et leurs besoins spécifiques qui font de l’apprentissage une voie accessible à tous. L’apprentissage aide ainsi le travailleur handicapé à construire sa propre posture vise à vis du marché du travail. Il s’agit donc de faire en sorte que les parcours en apprentissage soient davantage repérés par les familles comme une voie possible de réussite au diplôme. Plus largement, il s’agit de promouvoir auprès de ces publics, l’apprentissage comme un projet qui facilite, comme pour les autres, l’autonomie, l’insertion professionnelle ainsi que l’accès réussi à l’emploi qualifié. Lutter contre une communication dévalorisante de l’alternance qui voudrait réserver cette voie en priorité aux seuls jeunes en difficulté ; cette politique induit une très forte méfiance de certains jeunes, de leurs familles et des enseignants vis-à-vis de l’apprentissage et du monde de l’entreprise. Fluidifier davantage la transition infra bac/post bac, bac+2 vers Licence, et licence vers master par l’accès facilité des jeunes à des parcours en apprentissage.
Concernant les établissements de l’enseignement supérieur Encourager davantage les établissements de l’enseignement supérieur à développer leur offre de formation en apprentissage en proposant systématiquement des parcours en apprentissage dans les formations accréditées par le Ministère. Favoriser l’adaptation souple des capacités d’accueil des apprentis en fonction des besoins économiques des entreprises et de la demande sociale des étudiants, avec comme seule contrainte, de ne pas dépasser un certain nombre de places par diplôme.. Valoriser au sein des établissements de l’enseignement supérieur l’investissement des enseignants-chercheurs pour leur rôle d’ingénierie des formations en alternance, de pilotage des formations et d’accompagnement des apprenants en alternance par la prise en compte de cet investissement dans leur progression de carrière. Encourager l’innovation et renforcer la recherche dans le domaine de la pédagogie de l’alternance. Ne pas pénaliser lors de l’évaluation par l’agence d’évaluation, les formations de master recrutant des apprentis venant de LP. Stabiliser le financement paritaire Etat-Région en maintenant le coefficient de prise en compte des effectifs étudiants-apprentis dans le modèle de financement (modèle Sympa) des universités (actuellement coefficient 0,5 pour un étudiant-apprenti).
Effets attendus : Augmentation de la dynamique de l’offre de formation et généralisation de l’apprentissage universitaire comme une voie pédagogique ouverte à tous les étudiants permettant d’obtenir un diplôme national de l’enseignement supérieur.
Augmentation de la perméabilité entre le monde économique et le monde de l’enseignement supérieur par une plus grande prise en compte des besoins des entreprises, notamment des TPE et PME. Les relations entre organisations économiques et équipes pédagogiques constituent des moyens de détection supplémentaires d’opportunités de coopération pouvant être formalisées par des contrats de transfert de technologie ou de recherche appliquée. Améliorer la réactivité de l’offre de formation aux besoins des entreprises et des souhaits des jeunes en permettant aux employeurs publics et privés d’embaucher des apprentis dans l’ensemble des secteurs économiques couvrant le territoire. Les enseignants-chercheurs sont actuellement évalués essentiellement sur la dimension recherche plutôt que sur la pédagogie et le pilotage de parcours de formation en alternance. L’investissement dans l’apprentissage est actuellement vécu comme un acte de « sacrifice » pour la carrière. L’investissement des enseignants chercheurs dans l’apprentissage doit être reconnu et valorisé dans leur progression de carrière.
Cette absence de valorisation de l’investissement dans les dispositifs de formation en alternance est un obstacle majeur de développement pour la formation des jeunes dans les métiers en tension où les offres des entreprises excèdent les capacités d’accueil. Elle freine également le développement des pédagogies de réussite susceptibles d’être mises en place en apprentissage. Fluidifier davantage la transition infra bac/post bac, bac+2 vers Licence, et licence vers master par l’accès facilité des jeunes à des parcours en apprentissage ; Pérennisation des financements universitaires des formations en apprentissage. Les moyens affectés par les budgets universitaires pour l’apprentissage sont en réduction dans les universités, notamment celles en difficulté financière.
o L’apprentissage absorbe des ressources qui peuvent décourager les établissements les plus en difficulté.
o Peu ou de pas de moyens pour les projets pédagogiques innovants, dédiés à l’alternance ; peu ou pas assez de recherche sur la pédagogie de l’alternance.
o Moyens réservés à l’apprentissage insuffisants pour le fonctionnement (dotation de l’Etat divisée par deux pour les apprentis depuis 2009).
Concernant les CFA Accroître les responsabilités du CFA en matière de sécurisation des parcours et de réussite des apprentis. Inscrire, dans les missions des CFA, le rôle d’accompagnement en amont de la préparation et de la conclusion des contrats, notamment en matière de placement Inscrire, dans les missions du CFA, le rôle de médiateur entre les jeunes et les employeurs en cas de litige lié au contrat avant le recours aux tribunaux. Renforcer le contrôle de gestion dans les centres de formation en développant des outils d’évaluation de la qualité de service rendu et des coûts de formation. Définir des coûts standards par type de formation et correspondant à un niveau de qualité déterminé, ces coûts étant couverts par des financements partagés. Faire du financement de l’apprentissage pour les entreprises autre chose qu’une seule charge fiscale mais plutôt un investissement en reconnaissant et encourageant leur contribution au-delà de leurs obligations légales (quota voire hors quota disponible et financement sur fonds propres) pour couvrir le coût réel de la formation. Il s’agit de jouer sur des mécanismes incitatifs.
Effets attendus : Meilleure sécurisation des parcours et amélioration de la qualité de service rendue aux candidats à l’apprentissage en matière de placement et de suivi pédagogique, notamment aux jeunes dont les besoins particuliers d’accompagnement sont les plus élevés. Renforcement du rôle joué par les CFA à la fois en amont et en aval de la préparation et de la conclusion des contrats auprès des employeurs et des candidats à l’apprentissage. Amélioration de l’efficience du dispositif par le maintien des coûts et l’obligation de justifier des surcoûts. Elargissement de l’assiette financière de financement de la formation des apprentis par des dispositifs incitatifs.
Concernant les pouvoirs publics Mettre en place des dispositifs efficaces pour développer l’apprentissage dans la fonction publique (État, collectivités locales, territoriales et hospitalières) pour atteindre rapidement 1% des effectifs ; aujourd’hui 0,18% des effectifs de la fonction publique sont des apprentis. Réaffirmer la compétence des Régions. Limiter les disparités entre Région, imposer un minimum de financement de l’apprentissage dans le supérieur. Sécuriser le financement de la formation de l’apprentissage par la taxe d’apprentissage
o Instaurer une fongibilité asymétrique des fonds de la formation professionnelle en faveur de l’apprentissage.
o Fusionner la part réservée au quota et la CDA.
o Maintenir la libre affectation de la taxe d’apprentissage.
o Augmenter la part de la taxe d’apprentissage réservée aux formations en apprentissage.
o Dissocier strictement la fonction de collecteur et de formateur. Réviser la grille de rémunération des apprentis sur la base de principes de progressivité simples en instaurant une règle en relation directe avec les niveaux de formation (V, IV, III, II et I), ne prenant en compte ni l’âge de l’apprenant, ni l’expérience antérieure en apprentissage afin d’éviter que des apprentis en LP soient mieux rémunérés que des apprentis en master. Modifier le code du travail pour mettre en cohérence les dispositions relatives au statut d’apprenti en général, dans l’enseignement supérieur en particulier, avec les évolutions du code de l’Education et du fonctionnement des universités
o Autoriser le redoublement pour chaque année de formation (1ère année et/ou deuxième année pour les DUT, …) en cas de non obtention des conditions permettant l’obtention du diplôme (validation des UE) sans pour autant imposer à l’entreprise de prolonger le contrat d’apprentissage.
o Supprimer ou assouplir la notion d’horaire minimum en « face à face » en centre de formation (400H). Les SAIA donnent un avis sur le projet de formation en alternance proposé par le CFA. Ils ont donc compétence pour évaluer la cohérence ou non du projet pédagogique.
o Donner la possibilité de suspendre le contrat d’apprentissage pour une période de césure à l’étranger, dès lors que cette période est prévue au moment de la signature du contrat.
Favoriser l’émergence d’un observatoire national de l’alternance
Effets attendus Assurer un développement plus harmonieux de l’apprentissage pour tous en simplifiant la réglementation et les dispositifs de financement
o en limitant les disparités entre les Régions en matière de politique de formation professionnelle et formation par apprentissage ;
o en rendant plus lisible et plus simple le calcul de la rémunération de l’apprenti ;
o en incitant positivement à l’accroissement des financements volontaires au-delà des obligations. Moderniser un système de financement par la taxe d’apprentissage, fragile et devenu inefficace, injuste et contre performant pour soutenir un développement pérenne de l’apprentissage dans le supérieur dans un contexte d’engagement différencié des régions et de désengagement de l’Etat. En particulier, le problème de financement du coût des formations rencontré dans les TPE et PME, ainsi que dans le secteur public, dans les secteurs faiblement ou non pourvoyeurs de taxe d’apprentissage, est identifié comme un frein important ; Mise en cohérence du code du travail avec des évolutions réglementaires et législatives relatives à l’enseignement supérieur, en particulier pour permettre des parcours en lien avec la logique LMD
o la notion de volume horaire minimum en face à face empêche une adaptation des enseignements à la pédagogie de l’alternance et à l’application du e-enseignement,
o il s’agit de mieux intégrer dans les horaires au CFA, les temps de travail personnel pour les apprentis de l’enseignement supérieur…
o les incohérences entre la semestrialisation des diplômes et l’interdiction du redoublement sauf pour la dernière année du contrat oblige à fermer des formations de DUT et des masters en deux ans ou de formations d’ingénieurs. Elles obligent par ailleurs les équipes universitaires à sélectionner davantage à l’entrée de ces formations au risque d’écarter des jeunes plus « fragiles ». L’observatoire national de l’alternance permettrait de développer le partage des données statistiques et de susciter des études régulières et fiables pour mieux piloter le dispositif dans son ensemble.